Alors que les changements climatiques ont des résultats de plus en plus dévastants, il devient clair que les négociations du CCNUCC, dominées par les entreprises, ne font pas partie de la solution mais du problème. Au lieu de chercher des changements systémiques qui mettraient fin au pillage des ressources mondiaux au nom du profit à travers l’extraction des combustibles fossiles et la déforestation, les négociateurs proposent des solutions basées sur le marché qui bénéficient aux entreprises. Ces soi-disant solutions visent à ne pas entrer en conflit avec les intérêts et du pouvoir des entreprises mais plutôt de les renforcer, en leur donnant davantage de contrôle sur nos ressources naturelles. Les négociateurs paraissent croire que pour résoudre le problème des changements climatiques il faut donner aux entreprises une voix plus forte dans la gouvernance de la nature, ainsi faisant des changements climatiques un instrument pour augmenter les profits au dépense des personnes et de la planète.
Le Carbone Bleu : une fausse solution
L’une de ces nouvelles initiatives est le “carbone bleu”, promu par une alliance de gouvernements, d’ONGs environnementales et d’entreprises. Les projets de carbone bleu “protégeraient” les zones humides (les mangroves, les marais littoraux et les prairies sous-marines) à fin de “compenser” les émissions globales de carbone en utilisant ces zones pour capturer et stocker le carbone. Pour ce faire, les projets assignent une valeur économique à ces zones sur la base de la quantité de carbone qu’elles peuvent capturer, puis ils les font entrer sur le marché de carbone pour que les investisseurs et les entreprises puissent les financiariser. À travers ces investissements, ces acteurs peuvent “compenser” leurs émissions de carbone ou les échanger pour faire du profit. C’est une fausse solution qui ne résout pas le problème. Elle légitime la continuation des émissions de carbone et du pillage des ressources naturelles dans certaines régions géographiques en protegeant des zones humides et en capturant le carbone dans d’autres régions.
Par ailleurs, cette fausse solution fait plus de mal que de bien. La “conservation” des zones humides mènera au déplacement des communautés qui vivent dans ces régions et qui en dépendent pour leur subsistance. Ce genre de conservation veut l’expulsion des peuples, la réduction des droits d’accès coutumiers ou communautaires, et la modification fondamentale du rapport que les communautés ont avec les ressources. Le WWF et Crédit Suisse affirment qui nous dans les communautés devrions développer un “sens d’affaires et plus de connaissances financières” et soutenir leurs projets de conservation. De tels efforts de conservation qui considèrent l’écotourisme orienté vers le profit et les zones de protection marines comme plus importants que les droits des pêcheurs et les vraies solutions aux changements climatiques n’est rien moins que l’accaparement des océans1.
Les producteurs alimentaires artisanaux ont les vraies solutions
Au lieu de ces fausses solutions qui ne bénéficent qu’aux entreprises, nous les pêcheurs artisanaux, conjointement avec d’autres producteurs alimentaires artisanaux2, avons les visions et solutions les plus justes du point de vue écologique. Nos connaissances et cultures traditionnelles sont un mode de vie basée sur le soutien des communautés et de la nature et non pas sur le profit. Ceci est réfléchi également dans notre approche aux ressources dans la pratique de la pêche, dans les océans ainsi que dans les eaux intérieures. Comme expliqué dans les Directives visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale3, les pêcheurs artisanaux utilisent des méthodes de récolte non-industrialisées, qui ont un bas impact sur l’écosystème, une importante éfficacité énergique, et une faible empreinte carbone.
Les vraies solutions à la crise climatique devraient se baser sur nos connaissances et nos pratiques qui trouvent un équilibre harmonieux entre les personnes et la nature. Ces solutions devraient se baser sur le simple principe que les droits de l’homme sont plus importants que le profit et les droits du secteur des entreprises. Nos droits humains, y compris nos droits politiques, sociaux, économiques et culturels, doivent être respectés. À part le fait que la pêche artisanale est écologiquement bénéfique, la pêche artisanale fournit un moyens d’existence pour 90% du demi-milliard de personnes travaillant dans la pêche de capture, dont la moitié sont des femmes. Les pêcheurs artisanaux sont donc un élément clé dans la lutte pour assurer que les ressources soient gérées d’une façon qui ne mine pas les besoins socioéconomiques des peuples qui dépendent des ressources aquatiques, notamment dans le sud global, des peuples qui sont souvent marginalisés. Au lieu de suivre aveuglement les fausses solutions qui privilégient les droits des entreprises de piller les ressources naturelles, les gouvernements devraient rendre compte prioritairement à nous, les peuples. Nous, les vrais gardiens des ressources halieutiques, devraient avoir le contrôle des eaux à fin d’assurer que les pêcheurs gèrent leurs propres ressources pour le bien des peuples et de la planète et non pas pour le bien du profit.
Nous continuerons notre lutte pour obtenir de vraies solutions, et cette lutte sera dirigée par les femmes et les jeunes qui soutiennent le mouvement. Depuis trop longtemps, les mouvements sociaux sont divisés, étant engagés dans des luttes différentes. Il est maintenant temps de converger, au niveau international tout comme au niveau local. Pour nous, cette convergence commence en exigeant la souveraineté alimentaire et la justice climatique.
Leave a Reply