Le forum mondial des populations pêcheurs (WFFP) célèbre la journée internationale d’action pour les rivières en appelant les gouvernements à mettre en œuvre les directives volontaires pour sécuriser la pêche artisanale durable (VG-SSF) de la FAO aux rivières et aux autres pêches continentales, et à développer des politiques pour protéger les droits des communautés de pêche continentale, et assurer leur souveraineté alimentaire.
Au moins 30% des débarquements de la pêche mondiale sont issus des pêches continentales, et la quasi-totalité des captures est réalisée par des pêcheurs artisans. Dans de nombreux pays comme le Bengladesh et l’Ouganda, et pour de nombreuses communautés indigènes, la pêche artisanale est majoritairement continentale et fournit la source de protéine animale et de micronutriments la plus importante. Ainsi, la pêche continentale est une composante importante de la souveraineté alimentaire mondiale.
Bien que la pêche artisanale continentale soit confrontée à de nombreux enjeux similaires à la pêche maritime, il existe des problématiques spécifiques à la pêche artisanale continentale. La dégradation des habitats aquatiques causée par les barrages hydroélectriques, l’urbanisation, le tourisme, l’aquaculture industrielle, les espèces invasives, et la pollution, est incontestable de part le monde. La connaissance traditionnelle et les pratiques culturelles des communautés de pêche continentale sont souvent négligées, et peu de pays ont des politiques des pêches spécifiques à la pêche continentale. Ce manque de structures politiques protégeant les communautés de pêcheurs et l’environnement, couplé aux intérêts financiers des multinationales, rend les communautés de pêche continentale vulnérables à l‘accaparement des terres et de l’eau. Soixante pour cent de l’eau douce mondiale se trouve dans un bassin transfrontalier, où ces conflits ont souvent lieu.
De part le monde, les mouvements de pêcheurs artisans se battent contre ces menaces sur leur source de revenu, leur nourriture et leur mode de vie.
Le Bengladesh est le quatrième plus grand producteur de poisson d’eau douce au monde. Le poisson contribue à 4% de son PNB global, et répond à 60% de la demande totale en protéine du pays, dont la majorité provient des pêches continentales. Pas loin de 20 millions de personnes prennent part aux activités de pêche dans le pays.
Selon Mohammed Mujibul Haque Munir de Coast Trust au Bangladesh, «Une des problèmes majeurs que rencontrent les peuples pêcheurs artisans est le manque de reconnaissance légale par les politiques et les lois du secteur de la pêche. Un mécanisme doit maintenant être implémenté pour identifier qui sont les pêcheurs artisans actuels, et tant qu’il n’y a pas d’identification claire, certains individus influents accaparent les bénéfices et les zones de pêche, depuis le fournisseur de service [l’état], en signant des contrats de location avec le gouvernement, au nom des communautés de pêche»
Dans le même temps, il explique que «Les rivières et autres masses d’eau s’assèchent à cause du changement climatique, la salinisation augmente, de nombreuses espèces déclinent, et les mangroves sont détruites»
En Afrique du Sud, comme l’explique Carmen Mannarino de Masifundise, les pêcheurs artisans continentaux continuent de lutter pour faire reconnaitre leurs droits humains en tant que pêcheurs. Les règles coloniales et de l’apartheid ont mis les rivières, lacs et barrages dans les mains d’une élite minoritaire, et sont dominés par les pêcheurs de loisir dans les décennies récentes, tandis que les moyens de survie des pêcheurs artisans restent criminalisés jusqu’à aujourd’hui.
« Le poisson des rivières est extrêmement important pour la souveraineté alimentaire locale. Accéder à nos eaux est difficile, mais nous avons le droit d’être reconnus. C’est notre devoir de protéger les rivières et les aux continentales. Faire cela préserve l’important témoignage du passé de nos ancêtres. » Explique Clarence Oliphant, pêcheur traditionnel au kraal dans la région du Cap Nord, membre de Coastal Links South Africa.
Dans l’Ouest du Canada, les peuples indigènes luttent pour protéger les rivières et l’habitat des saumons sauvages dans leurs territoires.
Selon Dawn Morrison, du peuple Secwepemc de l’ouest du Canada, présidente du groupe de travail sur la souveraineté alimentaire des peuples indigènes.
« La province la plus à l’ouest de ce qui est connu par les colonisateurs du Canada est lieu de vie de 27 nations indigènes dont l’héritage bio-culturel est intimement interdépendant avec le vaste réseau de rivières et de ruisseaux qui ont mis en place le gravier d’une des plus grandes zones de fraies à saumon restantes du monde. Le saumon sauvage est notre nourriture indigène la plus importante et une espèce clé en terme culturel et écologique, et est de ce fait un indicateur de santé des territoires, peuples, plantes, et animaux indigènes, sur lesquels nous comptons pour notre nourriture. En conséquence, la santé et l’abondance du saumon sauvage sont intimement interdépendantes avec notre capacité à protéger leur habitat, depuis les bassins versants où ils pondent et migrent , jusqu’aux océans, d’où ils reviennent pour compléter leur incroyable cycle de vie.
La santé et la qualité de l’eau de nombreuses, si ce n’est toutes, des 5 rivières principales en Colombie Britannique, sont menacées par les risques associés aux projets et propositions des industriels, comme le pétrole et les pipelines, les mines, les liquides et gaz naturels, les barrages hydro-électriques, les cages d’engraissement à saumons ouvertes, et les pratiques agricoles non soutenables.
Les populations de toutes les croyances et toutes les cultures se rassemblent avec les peuples indigènes pour protéger l’eau, et l’habitat du saumon sauvage, à l’extérieur du contrôle par le système politique conflictuel, et du contrôle par des entreprises socialement irresponsables, qui est motivé par le profit et l’avidité, considérés comme supérieurs à la valeur des écosystèmes, la santé, et le bien-être. »
Au Pakistan, une mobilisation massive des pêcheurs artisans continentaux est organisée par le Pakistant Fisherfolk Forum (PFF). La Pakistan est un autre pays avec une pêche continentale très développée, avec plus de 2400 lacs, dont le lac Manchar, un des plus grands lacs d’Asie, et le fleuve Indus, une des plus grand cours d’eau du monde. La pêche continentale du Pakistan est constituée de plus d’un million de pêcheurs, et est une source de revenu est de nourriture pour bien plus de gens. Le Pakistant Fisherfolk Forum a mobilisé les peuples pêcheurs pour faire face aux sérieuses menaces qui concernent la pêche continentale, comme l’industrialisation, le tourisme, les barrages, et la raréfaction de l’eau douce.
Selon des études menées par le PFF, plus de 50% des ressources des la pêche continentale ont été perdues ces dernières années. Pour sensibiliser et résoudre cette crise, le PFF a organisé une marche de protestation à travers 15 districts dans la province Sindh, du premier au 15 mars, qui rallie plus de 2000 personnes dans chaque communauté, et culmine lors d’une marche de plus de 6000 personnes à l’embouchure de l’Indus. La campagne aura permis de toucher plus d’un million de personnes, et impliqué les législateurs, les politiciens, les médias, et des mouvements sociaux alliés.
Comme le dit Mustafa Mirani, le vice président du PFF «Si nous ne prenons pas en main le futur et si nous ne protégeons pas nos ressources et prêcheries continentales, nous perdrons totalement nos pêcheries continentales.»
Le groupe de travail sur la pêche continentale du Forum Mondial des Peuples Pêcheurs (WFFP) appelle les gouvernements à assurer que les droits humains des peuples pêcheurs – dont les femmes, les jeunes, et les peuples indigènes- soient protégés, et à appliquer les directives volontaires sur la pêche artisanale dans le contexte de la pêche continentale, pour développer des structures politiques progressistes.
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